Cours de jeudi 20 janvier: 3ème texte étudié dans les Bonnes depuis " Entre Claire portant le tilleul (...) Je suis désespérée!"

I. Tout d'abord corrigé de l'introduction à l'explication linéaire de l'extrait de Candide étudié hier. Plusieurs élèves font part de leur propositions et lisent leur introduction.

II.Puis travail individuel pour préparer un commentaire littéraire de l'extrait des Bonnes ( " Entre Claire (...)Je suis désespérée) à partir d'axes de lecture donnés au tableau:

1. La fausse générosité de Madame ( qui elle aussi joue un rôle)

2. Les réactions contrastées de Claire et Solange

3. Une atmosphère de danger latent qui plane sur le dialogue

Chaque élève a essayé de trouver trois arguments au moins pour développer les axes de lecture.

Attention il faut s'appuyer sur des procédés d'écriture ( trouvés à l'aide des 7 questions) et sur des citations de passages du texte.

Nécessité aussi de situer le passage dans le contexte de la pièce. Les bonnes ne se contentent pas de faire une "cérémonie" théâtrale dans laquelle elles jouent le rôle de madame et le leur pour par le biais du théâtre exprimer leur rancoeur et frustration. elles ont prémédité l'assassinat de madame, or le fait que Monsieur téléphone pour dire qu'il revient à la maison et n'est pas incarcéré précipite les choses puisqu'il est alors susceptible de les dénoncer d'avoir envoyé les lettres anonymes pour lui nuire. Les bonnes doivent se hâter si elles veulent atteindre l'objectif de tuer Madame.

Dans l'extrait cette dernière semble faire part d'une générosité extrême et par là même suspecte à laquelle Claire et Solange vont réagir très différemment dans une atmosphère qui devient oppressante et rélève de l'ironie tragique. 

Exemple de rédaction possible du développement du commentaire

 1.rappel de l'axe que l'on cherche à démontrer: Le comportement de Madame paraît d'abord extrêmement généreux à l'égard de ses employées mais nous allons montrer qu'elle joue une sorte de rôle qui la met en valeur à ses propres yeux et qu'elle est au contraire très matérialiste et égoïste. 

2. Preuves de l'idée énoncée: Sa pseudo générosité se traduit par les hyperboles:" C'est vous qui hériterez de tout cela", " Vous aurez mes robes, je vous donne tout!" qui dans leur excès alertent sur la sincérité du don. La répétition du verbe  "donne" insiste d’ailleurs sur ce fait dans la phrase " je te donne..tiens, mes renards"(. Le verbe "donner"est récurrent dans l'ensemble du texte). Le don se traduit en acte par des gestes et un impératif. Plus tard encore elle fera don de sa robe la plus emblématique: "Je vous la donne. Je t'en fais cadeau, Claire", non sans privilégier davantage l'une des bonnes que l'autre.

 Mais l'on s'aperçoit assez vite que le don des vêtements n'est pas désintéressé puisqu'il s'agit d'acquérir de nouvelles tenues qui correspondent mieux à la situation de quasi "deuil"que Madame imagine face à l'emprisonnement de son mari: "j'aurai de nouvelles et de plus belles toilettes"ou"j'en commanderai de plus riches afin que le deuil de Monsieur soit plus magnifiquement conduit". De plus, elle pense par le don de ses vêtements aux bonnes s'attirer "la clémence " pour monsieur et elle signale que les bonnes "l'aideront" "en portant (ses) vieilles robes". La générosité est donc au final intéressée.Madame ne pense en fait qu'à elle.

On peut remarquer aussi que la gestuelle de Madame est extrêmement théâtrale, comme si elle jouait un rôle,  et assez peu naturelle pour faire sentir une forme d'hypocrisie: la didascalie précise "souriant suavement", donc avec une douceur extrême signalant le surjeu et la conscience qu'elle a de son comportement. Elle "caresse la robe de velours rouge" qu'elle abandonne avec regret comme s'il s'agissait d'une personne:elle la qualifie avec compassion de "pauvre belle", elle rappelle son nom "Fascination" donné par le grand couturier Lanvin et rappelle qu'il l'avait "dessinée pour elle".  Ce qui traduit son orgueil et son sentiment de supériorité. On a l'impression que la robe est son substitut et quelle s’apitoie sur elle-même à travers son costume.

 En outre, elle ne peut s'empêcher , même lorsqu'elle semble faire des largesses, d'humilier les bonnes: la robe rouge devra être "retaillée" pour convenir à Claire, le velours ne sera pas le signe de l'élégance mais la matière chaude pour faire des "manches"Aux bonnes sont réservées "les étoffes solides". 

Madame s'exalte de sa propre bonté dans la tournure restrictive  "Quand je ne songe qu'à faire du bien!"L'exclamation prouve qu'elle se plaît dans le rôle de celle qui fait la charité à ses employée insinuant qu'il s'agit pour elle d'un objectif exclusif , ce qui n'est pas le cas du tout.  Elle insiste sur le fait qu'on ne la remercie pas, prétend être celle qui fait le bonheur autour d'elle dans une phrase impersonnelle à l'allure de proverbe: "Il est si agréable de faire des heureux autour de soi" Mais ne peut s'empêcher de remarquer de façon très matérialiste:" Vous avez de la chance qu'on vous donne des robes. Moi, si j'en veux, je dois les acheter" retournant paradoxalement la richesse en handicap. 

Madame ne joue pas seulement le rôle de la patronne bienveillante et généreuse , elle endosse aussi celui de la victime- elle a le sentiment d'être punie comme si une culpabilité latente la travaillait:"Qui peut être assez méchant pour me punir?"se demande-t-elle, elle a le sentiment d'être dans un état d'insécurité, par trois fois elle répète que sa croyance d'être" protégée" n'était qu'une illusion. pourtant son "désespoir" ne l'empêche pas d'anticiper un veuvage digne de son statut de bourgeoise riche: "deuil porté de façon "somptueuse",en "noir" avec "nouvelles et belles toilettes", deuil qui apparaît alors non comme l'expression d'une souffrance mais comme une autre façon d'étaler son aisance matérielle et d'en jouir: "deuil magnifiquement conduit." Toute l'hypocrisie de la bourgeoisie est ainsi dénoncée par Jean Genet au travers de ce personnage. 

 Rappel du deuxième axe de lecture à développer et transition avec la premier partie: Il faut maintenant s'attacher aux réactions des deux Bonnes et nous allons voir qu'elles réagissent différemment même si au début de l'extrait elles semblent unies et centrées sur le projet de faire boire le tilleul empoisonné à Madame. 

Preuves de leurs comportement contrasté: Claire, au début, ne semble pas sensible à la générosité de sa patronne. La didascalie précise "sèche" lorsqu'elle utilise l'ordre au subjonctif " Que Madame conserve ses toilettes" qui, sous la politesse de la tournure, signifie bel et bien un refus.D'ailleurs Madame sursaute et s'en étonne. C'est Claire de plus qui suggère à Madame d'acheter de nouvelles robes plus belles encore comme si elle la devinait à force de l'avoir observée. Claire paraît à ce stade très "calme" et maîtresse de son jeu. Elle semble flatter Madame: "Madame sera très élégante" mais elle signale aussi qu'elle a percé à jour le comportement de cette bourgeoise en sous-entendant une attitude hypocrite:"Son chagrin lui donnera de nouveaux prétextes", ce dernier mot montrant bien que Claire sait que sa maîtresse joue constamment des rôles qui la mette en valeur et qu'elle n'est pas sincère.D'ailleurs Madame est déstabilisée comme le prouve l'interjection "Hein?" mais par la suite Claire semble tomber dans le piège de la fascination justement.

 Son attitude et son vocabulaire révèlent une admiration immense pour sa patronne irremplaçable: "jamais nous ne pourrons remplacer Madame" comme si inconsciemment le meurtre projeté  lui rendait douloureuse la disparition de Madame.

La comparaison de l'armoire de Madame avec "la chapelle de la sainte Vierge", l'adjectif "sacrée", le fait que les bonnes osent à peine regarder les robes qui leur sont interdites: "nous n'avons pas le droit" confèrent à Madame l'aura d'une divinité, l'armoire "à deux battants" devenant une sorte d'autel, de retable.La phrase présentative exclamative:" c'est sa grande penderie!" renforce encore le sentiment que Claire idolâtre sa maîtresse.Elle est en extase devant la richesse et la beauté des robes et finit par croire qu'elle en sera la dépositaire, ce qui semble la remplir de déférence à l'égard de Madame comme le prouve l'éloge exclamatif " Madame est belle!"Le champ lexical de la beauté est très présent dans les répliques de Claire: "de plus belles", "très élégante", "si belle"avec des superlatifs montrant sa fascination.

Solange garde, elle, la tête froide et insiste sur la nécessité de boire le tilleul: "Le tilleul est prêt, Madame.","le tilleul va refroidir". La didascalie précise la sécheresse de la voix. Elle ne parle pas beaucoup d'ailleurs. Le temps presse et elle souhaite commettre le meurtre au plus vite, elle semble anxieuse de la façon dont se comporte sa soeur et essaie de calmer ses ardeurs qui détournent Madame de la tasse de tilleul: "Vous bavardez et vous fatiguez Madame". 

A un moment, elle s'adresse  agacée directement à Claire essayant de lui faire comprendre son erreur :" Vous pouvez remercier Madame. depuis le temps que vous l'admiriez." faisant resurgir leur rivalité déjà perceptible dans la "cérémonie" qu'elles jouent en l'absence de Madame et présageant peut-être  de la fin de la pièce tant Claire semble s'identifier à Madame. La distance entre Claire et Solange se traduit aussi par le fait que Solange la vouvoie.

 Rappel du troisième axe de lecture et transition:L'exaspération de Solange à l'égard de Claire contribue à l'augmentation de la tension dans la séquence, l'on sent d'ailleurs planer une menace oppressante latente.

 Preuves de l'atmosphère d'oppression menaçante qui plane sur la séquence:Le lecteur/spectateur sait que le tilleul est empoisonné, mais les allusions à la mort s'inscrivent directement dans les propos des personnages alors que personne n'est vraiment mort pour le moment.

Madame vit l'emprisonnement de son mari comme un deuil, "le deuil de l'exil de Monsieur" qu'elle dit vouloir porter "plus somptueux que celui de sa mort". A la fin de l'extrait, elle dit d'ailleurs "afin que le deuil de Monsieur soit plus magnifiquement conduit" comme s'il était cette fois vraiment décédé.

Elle semble enterrer son ancienne vie en disant "adieu les bals, les soirées, les théâtres",en énumérant la succession des activités bourgeoises auxquelles elle se livre, en parlant d’héritage aussi: "c'est vous qui hériterez de tout cela."Elle évoque la nécessité d'acheter une "toilette" noire". On peut aussi relever la phrase présentative "C'est fini".

Madame semble également inconsciemment pressentir qu'on lui en veut d'où les affirmations répétées et suspectes de sa bonté: "quand je ne songe qu'à faire du bien!"Elle a l'impression d'être "punie" , le verbe est répéter deux fois, elle semble culpabiliser.  Elle craint d'avoir perdu sa sécurité, par trois fois elle répète que son sentiment de protection n'était qu'une croyance, une illusion, ce en quoi elle a raison puisque les bonnes sont mal intentionnées à son égard: " Je me croyais si bien protégée de la vie, si bien protégée par votre dévouement. Si bien protégée par Monsieur." Elle utilise même la métaphore hyperbolique de "la barricade", ce qui relève de l'ironie tragique car elle semble pressentir que l'on en veut à sa vie sans toute fois accéder pleinement à la vérité.

Reste à rédiger une conclusion: ce que nous apprendrons à faire plus tard.


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