Cours du jeudi 6 janvier: Explication linéaire d'un 2ème extrait des Bonnes

 1. Mise en application par groupe de deux de la méthode des 7 questions au texte suivant: 

Lecture linéaire 2 : extrait p 26 de puis «  Sa bonté !(l.349) … un léger soulagement P 27,( l.381)

2. Explication guidée par le professeur.: projet de lecture : Montrer les pouvoirs du théâtre: Etre ce que l'on n'est pas. C'est ce que Claire et Solange expérimentent dans cet extrait.

Dans ce texte les bonnes dévoilent comment elles en sont venues à faire accuser Monsieur d’un crime qu’il n’a pas commis. A force de jouer le rôle de madame, elles ont conçu une histoire dont elles se croient elles-mêmes les héroïnes. Nous verrons donc comment s’exprime ici la singularité de la situation des bonnes qui ont fait de leur fantasme une réalité.

Délimiter les différentes parties du texte :

1.     La bonne ne vit que de fantasmes : «  Sa bonté ! (…) de Madame." ( réplique de Solange)

2.     L’affrontement des deux sœurs : «  Solange, Encore ? ( …) tu hésites ? »

3.     Du fantasme à la réalité : « Essaie d’abord (…soulagement. » ( Claire a renversé le rapport de force en sa faveur et c'est elle qui domine sa soeur.)


1.     Partie 1 : comment Solange révèle-t-elle qu’être bonne, c’est être condamnée à vivre de fantasmes ?

Les «  premières phrases développent une comparaison entre la maitresse et le deux domestiques. Solange établit un parallèle entre les deux conditions qui justifient la supériorité morale de la maîtresse par la naissance.

 Solange reprend d’abord les répliques de Claire de manière ironique pour les mettre à distance dans deux phrases nominales exclamatives : "Sa bonté, ses diams’ !" Elle rejette ainsi violemment l’amour que leur maîtresse exprime envers ses deux domestiques. En effet les phrases suivantes sont construites en parallèle au moyen de deux propositions subordonnées circonstancielles de temps qui comparent  les deux situations : "quand on est belle et riche" s’oppose à "quand on est bonne". Or le jeu sur la syllepse du mot « bonne » met en valeur l’injustice de la condition de bonne qui exclut d’être bonne au sens moral ; C’est la maîtresse qui a l’apanage de la bonté . 

Cette injustice de départ condamne la bonne à se résigner, comme le souligne le verbe « se contente » qui insiste sur le dépit et la frustration.

 Solange utilise un « on » impersonnel et un présent qui généralisent son propos. Elle énumère les différentes façons par lesquelles les domestiques cherchent à donner de la valeur à leurs activités dérisoires qui consistent à assurer l’ordre de la maison : le ménage, la vaisselle, la serpillère le plumeau. Ces éléments sont associés ironiquement à des actions glorieuses : le verbe « parader » introduit l’idée de jouer un rôle et est repris à la fin par "le défilé historique", le verbe « brandit » suggère la fierté du vainqueur tandis que « les gestes élégants » pourraient mimer ceux d’un grande dame avec son châle.

Solange suggère que le valet est condamné à singer le maître, à s’imaginer une dignité qu’il n’a pas ; Mais derrière un propos général, la jeune femme glisse une accusation précise contre sa sœur à travers le groupe prépositionnel » comme toi ». Le plaidoyer se transforme en affrontement entre les deux sœurs dont la rivalité s’exacerbe.

2 .Partie 2 : Expliquez l’affrontement des deux sœurs. Pourquoi chacune accuse-t-elle l’autre de la gravité de ses fantasmes ?

 

 Le passage qu suit s’apparente à une stichomythie.( Succession de répliques de même longueur qui signale des réponses du tac au tac et une dispute) Les deux sœurs se menacent sur les secrets que chacune croit bien gardés. On découvre une violence sourde entre les deux sœurs qui sont animées des mêmes désirs et qui sont rivales dans leur volonté d’imiter, voire d’être Madame .

En réponse à l’accusation indirecte de Solange, Claire l’ attaque à son tour. Elle exprime son indignation d’abord dans deux phrases nominales exclamatives : Solange ! Encore ! où l’adverbe "encore" rappelle que ce n’est pas la première attaque ; puis deux interrogatives qui questionnent les intentions de sa sœur comme le montrent les verbes « cherches «  et « penses ». pourtant sans attendre de réponse, elle retourne l’accusation contre Solange : » Sur ton compte, je pourrais en raconter de plus belles. » L’accusation reste obscure et non explicitée. Elle utilise le conditionnel « pourrais » pour montrer son pouvoir de nuisance potentiel. Elle emploie l’expression populaire « de plus belles » où l’adjectif substantivé laisse planer un mystère sur les agissements de la bonne.

Cette réplique établit la supériorité de Claire qui prend l’ascendant. Solange est dans l’incapacité de répondre, comme le montrent la brièveté de sa réponse « toi ? toi » et la didascalie «  un temps assez long » qui suggère au metteur en scène de dramatiser l’affrontement par un silence.

Claire savoure sa supériorité dans la réplique suivante. L’adverbe « parfaitement » est le signe de son assurance retrouvée ainsi que le retour à la tournure hypothétique « si je voulais » qui joue sur le même pouvoir de révélation que le conditionnel utilisé plus haut. La prétérition ( dire qu'on ne dira par quelque chose pour finir par le faire) annonce la révélation du secret. Cette réplique est pourtant tronquée par Solange qui tente de reprendre le pouvoir en lui coupant la parole.

Solange poursuit le jeu de questions qui font monter la tension et l’agressivité entre les deux sœurs. La menace reste en suspens car elle reste inexpliquée. On comprend qu’il existe un double discours que le spectateur ne parvient pas à décrypter à travers l’utilisation de verbe « insinues » ainsi qu’à l’allusion à « cet homme ». La tension atteint son paroxysme à la fin de la réplique avec une insulte directe : « je te hais » ;

Dans la réplique suivante, Claire développe en nommant l’homme qui est l’objet du désir commun : « le laitier ». Elle révèle ainsi que leur rivalité est amoureuse.

Solange procède alors à une véritable déclaration de guerre avec le lexique de l’affrontement : « nous deux », « menace », l’onomatopée « hein » qui sont autant de provocation au conflit.

Ainsi dans ce 2ème mouvement du texte, on voit que loin de réunir les sœurs, leurs fantasmes secrets les divisent et les transforment en rivales. Car dans ce jeu de rôles  chacune voudrait avoir la meilleure place et dominer l'autre. la vraie rivale n'est pas Madame mais la soeur. C’est ce que Claire révèle dans le 3ème mouvement.

 

3..     Partie 3 : Comment le lecteur comprend-il à demi mot que les bonnes ont donné corps à un fantasme en accusant Monsieur à tort ?

Claire reprend la métaphore du duel : « tire la première » avant de révéler ce qui constitue le nœud de l’intrigue « ses lettres à la police ». le groupe nominal est repoussé à la fin de la phrase pour créer un effet d’attente : Claire et Solange sont à l’origine de la condamnation de Monsieur. 

Claire emploie le lexique de la création littéraire : "mes essais d’écriture » « des pages et des pages » « inventé » « les pires histoires et les plus belles » qui l’apparente à un auteur de roman ou de drame. C’est elle qui met en forme et qui transforme en réalité le fantasme des deux sœurs.Claire se fantasme en artiste, en créatrice. A l’inverse, Solange est montrée comme celle qui s’identifie au héros que Claire créée par ses écrits. Claire rappelle à Solange qu’elle « faisait madame » en référence à leur jeu de rôle, mais elle l’accuse aussi de s’identifier totalement à Madame, de rêver d'être à sa place et comme elle ( "Tu jubilais, tu te voyais tu accompagnais tu fuyais")

Solange semble alors entrer totalement dans l’illusion et se laisser gagner par le rêve. Claire cependant le brise par une formule lapidaire qui condamne sa soeur : » Un beau rêve ! »Dans la phrase suivante, elle met en opposition les deux rôles inégaux : "J’avais le courage, d’envoyer mes lettres anonymes" est la subordonnée circonstancielle de cause de « tu te payais le luxe d’être une prostituée de haut vol ». Le courage de l’une permet à l’autre d’atteindre au sublime. Claire se présente comme celle qui permet à sa soeur d'exister dans une image valorisante.

Claire file la métaphore christique avec les mots "sacrifice, la croix, le mauvais larron." La souffrance de Solange est sublimée par la noblesse de la cause, mais c'est Claire la créatrice de cette sublimation.

 

     En conclusion, expliquez en quoi cette scène fait l’éloge des pouvoirs du théâtre.

4.     Ce texte constitue donc un moment important dans l’intrigue d’abord par sa fonction informative puisqu’il apprend au spectateur que les deux sœurs ne se contentent pas de jouer la comédie du meurtre de Madame mais qu’elles sont allés jusqu’à faire arrêter Monsieur. Ensuite parce qu’à travers cette scène on comprend que la seule manière qu’ont les bonnes d’exister, c’est de vivre à travers les histoires qu’elles s’inventent et où elles ont les plus beaux rôles. Le théâtre est leur façon de sublimer leur vie.

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