Les personnages dans Réparer les vivants (1)
Maylis de Kérangal a souligné dans l’une de ces interviews, vouloir porter une attention particulière aux noms de ses personnages, à l’onomastique, à la symbolique de leur nom. Elle souligne la dimension poétique des noms : « ils traduisent l’essence des personnages ».
Dans un entretien dans L’Orient littéraire, elle déclare : « les noms ont été construits selon deux isotopies, l’une qui évoque le cœur et l’autre qui tourne autour des oiseaux, de nuit surtout ».2
1. AU HAVRE
Les jeunes gens :
Ø Simon Limbres, 19 ans, lycéen de terminale, passionné de surf, il a un accident de la route après une session. À la suite du constat de coma dépassé, ses parents décident finalement d’autoriser un prélèvement d’organes.
· Le patronyme de « Limbres » évoque les limbes, lieu intermédiaire entre la mort et la vie, séjour des innocents, des justes avant l’arrivée du Christ. Désigne un état vague et incertain, le séjour où sont en attente indéfinie de la résurrection tous ceux qui n’ont pas reçu le baptême : les enfants, les Justes. Dans un usage figuré, c’est un état incertain et indécis, comme le coma, à la fois la mort et la vie. Les limbes sont une métaphore du coma. Lieu inaccessible aux vivants, ce n’est ni la mort, ni l’enfer, ni le paradis, mais un passage.
· Son prénom « Simon dit aussi en filigrane l’état intermédiaire entre la vie et la mort dans lequel se trouve le personnage, par la connotation biblique du prénom de Simon car c’est le véritable nom de l’apôtre Pierre, qui détient les clés du paradis, qui se trouve aux portes du paradis : là aussi symbole d’un intermédiaire, d’un passage.
· Cf son surnom « Sky » : le ciel en anglais, qui fait référence à son état dans le roman.
· Ses camarades de surf, accidentés eux aussi, ne sont que blessés :
Ø Christophe Alba : « Alba », c’est l’aube en italien, moment où a lieu la session, et la côte près du Havre s’appelle la côte d’Albâtre
Ø Yohann Rocher : Yohann Rocher : le nom Rocher évoque aussi la mer.
Juliette est la petite amie de Simon (le cœur de Simon aime Juliette), elle construit une maquette qui représente un labyrinthe que Simon assimile à un cerveau. Juliette évoque Shakespeare Juliette et Roméo et la fin tragique de leur amour.· La famille
Ø Marianne : Marianne, la mère. A l’origine prénom composé de « marie » et « Anne », et regroupe ainsi simultanément une évocation de la sainte vierge marie et de sa mère Anne. Dès lors elle devient une figure emblématique de la mère et de la féminité. Plusieurs dramaturges ont par la suite exploité cette image (Marianne dans l’Avare de Molière, symbole de l’émancipation féminine, mais aussi Musset dans Les caprices de Marianne (figure de la jeune femme vierge éveillée à l’amour). Elle devient l’allégorie de la République, l’image de la patrie, mère de tous les Français. Elle incarne donc : la maternité, la figure de la réunion, unification, autour d’elle se cristallise et se regreffe les événements et les situations (son tempérament lui permettra de tempérer Sean à de multiples reprises, l’infirmier la considèrera même comme la « personne ressource » selon le jargon médical, autrement dit « celle qui peut créer un effet de sillage » (sillage : trace d’un bateau laissé derrière soi, mais aussi chemin que vient de faire quelqu’un). C’est elle qui saura trouver les mots pour convaincre son ancien mari d’accepter le don d’organe. Elle participe donc à réparer ce qui a été séparer, elle crée des traits d’union entre : elle et son mari (le couple se reforme progressivement autour du fils mort, des situations et décisions à prendre, d’ailleurs à la fin du roman leur fille Lou déclarera « tu reviens à la maison ? », en s’adressant à son père. ), elle fait aussi le trait d’union entre eux et l’équipe médicale (la fameuse « personne ressource »). L’auteure met aussi en évidence la force du lien qui l’unit à son fils.
Ø Sean : le père : ce prénom est la forme irlandaise de Jean. Ce prénom vient de l'hébreu yo et hânan. Il a le sens de : Dieu est miséricordieux.(ou : dieu pardonne). Originaire de Nouvelle-Zélande, il construit des embarcations). Il a transmis à son fils la passion non pas du Christ (lol) mais du surf.
Après avoir voyagé quelques temps en Nouvelle-Zélande à bord de son canoé, il vit aujourd’hui encore de passion et de liberté en construisant des yoles (petites embarcations légères, propulsées par aviron)
Il est donc caractérisé par : le goût de l’aventure, l’impulsivité, la passion. Cette impulsivité se traduit dans ses paroles auprès de l’équipe médicale et est également mise en valeur dans le jeu des gestes, attitudes et des réactions antithétiques que forme le couple parental.
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