Rédaction d'une introduction de commentaire et de son développement: exemple proposé par Julie
Jean Genet est connu pour avoir écrit des pièces qui dénoncent différentes formes de violences ainsi que la société et ses rapports dominants. Il a écrit Les Bonnes, une pièce de théâtre inspirée du fait divers des sœurs Papin. Cette pièce dénonce le rapport dominant-dominé à travers l’histoire de Claire et Solange, deux bonnes qui jouaient une sorte de cérémonie lorsque leur maitresse n’était pas là dans laquelle elles se défoulaient des rapports de soumission qui leur étaient imposés. En parallèle, elles préméditaient le vrai meurtre de leur patronne. Dans cet extrait situé presque à la fin de la pièce, Solange se voue à un monologue délirant. Qu’est ce qui montre que Solange sombre dans la folie et qu’elle rejoue la cérémonie d’une façon encore plus exaltée ? Dans un premier temps nous montrerons les marques de la folie de Solange puis dans un second temps, nous montrerons que ce passage est en quelque sorte l’apogée du théâtre dans le théâtre.
Nous allons montrer que lors de ce passage, Solange sombre dans la folie.
Ses marques de folies se traduisent tout d’abord par le fait que dans ce passage, c’est l’apogée du théâtre dans le théâtre, c’est-à-dire que Solange ne parle plus qu’en prenant un rôle. En effet, au début du passage, elle s’imagine avoir étranglé et tué Madame (« Madame est morte ! ») et avoir ainsi gagné une identité « madame et monsieur m’appelleront Mademoiselle Solange Lemercier »
Elle prend ensuite le rôle de Madame comme indique les didascalies à la ligne 1165 (« elle imite la voix de Madame »). On voit qu’elle se perd dans son imagination car elle confond sa sœur Claire avec Madame lorsqu’elle dit qu’elle est « mademoiselle Solange, celle qui étrangla sa sœur » alors qu’avant elle disait avoir étranglé Madame. Au tout début du passage, il y a déjà une confusion entre Claire et Madame car Solange « pousse Claire » en s’imaginant sûrement pousser Madame. Elle parle ensuite de Claire au passé « elle aimait ».
Elle est aussi confuse lorsqu’elle parle à l’inspecteur et le confond avec Monsieur. On perçoit sa confusion car au début elle appelle l’inspecteur « monsieur l’Inspecteur » puis ensuite seulement « Monsieur » avec un M majuscule, comme le mari de Madame.
Elle parle ensuite d’elle-même à la 3ème personne, comme si elle n’était plus vraiment elle-même, mais un personnage héroïque : «la voir marcher » ; « le bourreau la suit »)
Le moment où elle s’imagine que son bourreau « lui chuchote des mots d’amour » à l’oreille et l’« accompagne » nous témoigne aussi qu’elle sombre dans la folie. On a le sentiment que c’est son inconscient de femme frustrée de tout amour qui s’exprime à travers cette mise en scène grandiose de son exécution.
A la fin du passage, elle s’imagine mourir en héroïne, soutenue par les autres personnes qui exercent un métier où pourtant ils sont considérés comme inférieurs « les valets de chambre, puis les femmes de chambre portant nos couleurs », tout un cortège d’employés de maison, venus la célébrer comme une personne d’importance.
Nous allons maintenant voir que l’expression de la folie de Solange constitue l’apogée du théâtre dans le théâtre auquel les deux bonnes se sont livrées durant toute la pièce. Mais Solange a comme effacé sa sœur.
L’apogée du théâtre dans le théâtre se manifeste d’abord par le fait que Solange rejoue la cérémonie d’une façon encore plus exaltée que d’habitude.
On voit tout d’abord que Solange ne s’exprime plus qu’en jouant un rôle. Elle prend d’abord le rôle de Madame et s’imagine être à l’enterrement de sa bonne. Elle se met en scène ensuite dans le rôle d’une meurtrière : « je suis l’étrangleuse » et joue son propre interrogatoire avec l’inspecteur : « Non monsieur l’inspecteur, non…vous ne saurez rien de mon travail », tout en refusant de coopérer à l’enquête.
Les didascalies nous montrent qu’elle exagère ses gestes et qu’elle surjoue ses rôles :« elle pousse Claire », « elle imite la voix de Madame », « elle rit », « elle éclate en sanglot et s’effondre dans un fauteuil » autant de gestes très théâtraux.
Lorsqu’elle dit sa tirade sur le balcon, elle s’imagine être à son propre enterrement. Elle pense avoir un bel enterrement : « l’enterrement déroule sa pompe » et décrit les moindres détails :« on porte des couronnes, des fleurs, des oriflammes…. imaginant les mouvements des acteurs de la cérémonie funèbre et la scénographie avec ces accessoires. Elle utilise des anaphores « Viennent d’abord… Viennent ensuite… Viennent les concierges… » qui donnent une tournure plus théâtrale à ses propos par leur lyrisme grandiloquent. Cela nous montre bien que c’est l’apogée du théâtre dans le théâtre car il n’y a rien de plus théâtrale et dramatique que de s’imaginer et mettre en scène sa propre mort.
On voit de plus qu’elle rejoue la cérémonie de manière plus exaltée car elle en vient à confondre sa sœur et Madame, et devient violente avec Claire : « elle pousse Claire qui reste accroupie dans un coin ».
Pour finir, on voit aussi qu’elle exagère et qu’elle parle comme si elle s’adressait à un public car elle emploie majoritairement des phrases exclamatives, surtout au début lorsqu’elle s’imagine tuer Madame « Hurlez si vous voulez ! Poussez votre dernier cri Madame ! Enfin ! Madame est morte ! »
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